Le Mont Haguro et Dewa Sanzan
La région du Tohoku est assez méconnue par le touriste occidental. Le nom de Fukushima et de sa catastrophe revient plus souvent que la citation d’endroits à visiter. Pourtant dame nature y est très présente et les paysages, souvent très beaux, permettent de mettre en valeur les sites culturels japonais.
Les villes nettement moins denses que dans le sud permettent de vite s’échapper du béton. Considéré souvent par les Japonais comme une région que l’on visite quand on est à la retraite, le Tohoku possède des sites magnifiques.
Le mont Haguro fait partie de ces endroits qui laissent une trace dans la mémoire du voyageur. C’est le premier des 3 monts sacrés rassemblé sous le nom Dewa Sanzan. Dewa étant le nom de l’ancienne région. Ces 3 monts font lieu d’un pèlerinage et chacun possède un sanctuaire à son sommet. Le mont Haguro est le plus facile d’accès et le premier à réaliser dans ce voyage de dévotion. Il symbolise, le passé. Viennent ensuite les monts Gas pour le présent et Yudono pour le futur. Mais un ordre différent peut être trouvé en commençant par le Mont Haguro symbolisant la naissance, le mont Gas pour la mort et le mont Yudono pour la renaissance. Ces 3 monts peuvent être écrits en ajoutant San à leur nom, pour souligner la forme de respect qu’ils imposent.
Mais pourquoi des sanctuaires en haut des monts ? Le culte pratiqué est le Shugendo. Une tradition japonaise qui mixe le shintoïsme et bouddhisme. Le rapport entre l’homme et la nature y est principal et l’endurance physique est au cœur de ce culte. C’est la force physique que le pèlerin doit accomplir pour atteindre le lieu de culte qui va le faire transcender.
Ne vous trompez pas de bus
Présentation faite, partons à la découverte de ce mont Haguro. Déjà première chose important point de typhon à l’horizon. La journée devrait être ensoleillée. Pour en profiter au maximum, je vais prendre le premier bus de 7h52. Levé tôt, me voilà à l’arrêt de bus. Arrive un bus rouge où tout le monde monte donc moi aussi. Je suis au bon numéro de l’arrêt de bus, mais je vais quand même demander au chauffeur si c’est bien pour le mont Haguro. D’un hochement de tête il m’indique que c’est bon. Mais je ne suis pas si tranquille que ça, car je vois le bus prendre une direction tout autre que le Mont Haguro. Je commence à avoir un sacré doute : ai-je pris le bon bus ? Arrêt suivant beaucoup de personnes descendent et le chauffeur me regarde et me fait signe qu’il s’agit de mon arrêt. Mais là je suis en pleine ville et pas de Mont Haguro en vue. Je lui présente alors un papier, il me regarde gentiment et me fait comprendre que je ne suis pas du tout dans le bon bus. Me voilà donc à faire la tournée complète du bus pour revenir à mon point de départ. Heureusement, le chauffeur ne me fait pas payer et m’amène directement au terminus pour prendre le bon bus. 1h30 pour admirer le paysage!!
Quelques infos au passage : le trajet coûte 820 yens et dure environ 30 minutes depuis la gare de Tsuruoka.
Les 2446 marches pour monter au sanctuaire
Voilà le bon bus, avec écrit en gros Mount Haguro. Je ne peux pas me tromper. Pour l’ascension à pied il faut s’arrêter à la station Zuishimon.
Commence alors la montée des 2 446 marches pour une distance de 1,7 kilomètre. Le chemin est appelé Sugi-namiki, la voie des cèdres. Le long du chemin se cachent 33 dessins représentant un bol de sake. Si vous les trouvez tous, vous aurez une grande chance…j’en ai trouvé que 2 !
La montée commence par une descente ! Elle m’amène vers un premier lieu de culte. Le passage d’un vieux pont rouge avec une cascade en fond est digne d’un tableau avec les couleurs d’automne.
Pas très loin se situe la pagode à 5 étages Go-Jyu-No-Toh. Cette construction date de 1372, mais son origine remonte à 937. C’est un trésor national au Japon. La pagode, en bois, est vraiment magnifique. Aucune peinture n’est utilisée. L’humidité du bois ferait qu’elle ne tiendrait pas. C’est aussi la plus vieille pagode du Tohoku. Sa construction sert encore d’exemple pour les systèmes anti tremblement de terre des immeubles au Japon. L’endroit est vraiment magnifique et la pagode s’impose dans ce paysage.
Les pèlerins sont appelés Yamabushi, mais malheureusement je n’en ai pas croisés durant mon ascension. Peut-être n’est-ce pas la bonne période ou attendent-ils la neige pour que l’ascension soit encore plus dure !
Mais parlons ce cette montée. Elle est unique. Les cèdres entourant le chemin donnent une impression de grandeur tout simplement incroyable. Le calme de la forêt est toujours présent et les petits sanctuaires le long du parcours sont une excuse toute trouvée pour faire une pause photographique.
Le sanctuaire Sanjin Gosaiden
Après quelques dizaines de minutes d’efforts, le torii du sanctuaire Sanjin Gosaiden se montre à vous. La pause bien méritée va pouvoir être faite. Le complexe du sanctuaire est très agréable avec la présence de l’ensemble des divinités des 3 monts que vous pouvez visiter gratuitement. Le sanctuaire est impressionnant avec son toit d’une épaisseur de 2,1 mètres. En face du sanctuaire se trouve aussi un petit étang appelé Kagami-Ike, l’étang miroir. Le sanctuaire date de 1818 et pour l’instant il tient bon face aux incendies. D’ailleurs deux grandes lances sont en permanence pointées vers le sanctuaire au cas où.
Le temps de déjeuner avec une petite collation de soba dans un des restaurants à côté du parking et il est déjà temps de repartir et de refaire le chemin inverse.
Le mont Haguro est un endroit à part au Japon. On y découvre une forme de spiritualité différente des temples ou sanctuaires traditionnels. L’effort est voulu, mais le tout est largement récompensé par une des plus belles voies pour atteindre un lieu de culte au Japon. Une fois au sommet vous pouvez toujours reprendre un bus pour éviter la descente, mais c’est toujours agréable de découvrir en sens inverse le chemin. Les vues sont différentes.
Cette première expérience donne l’envie de découvrir la suite du pèlerinage. Dewa Sanzan reste une tradition japonaise millénaire et l’effort pour atteindre le sommet du mont Haguro est une belle expérience de spiritualité.
Bonus : en attendant une vidéo plus complète, voici quelques vues en drone du mont Haguro